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Sud - Ouest, France
Des mots-Des Images en tout sens

samedi 24 septembre 2011

La Lettre


Noémie bouge lentement à l’étage. Les paupières encore alourdies, elle entrouvre les persiennes. C’est l’aube au-dehors. La brume enveloppe des collines desséchées comme pour les protéger d’un regard trop pressé. Elle se décide enfin, bascule sur les marches de l’escalier qu’elle dévale avec lourdeur pour arpenter le rez-de-chaussée avec lenteur. J’aime son pas à la nonchalance un peu lourde qui n’appartient qu’à elle. Elle me murmure un bonjour inarticulé en poussant la porte d’entrée.
- " Noémie tu es nu-pieds. "
- " Et alors ! " me répond-t-elle agacée.
Indifférente, je l’aurais sans doute inquiétée. Je la sens sourire. La pièce où je vis est sombre. Les murs sont épais et le plafond bas. J’ai froid. Noémie est vulnérable. Je me demande avec effroi ce qu’elle va devenir. Chaque minute du jour ou de la nuit est pour elle un éternel combat qui la fait frémir et altère son magnifique visage. Toujours elle bouge, tourne, se cogne, tandis que les mots, en elle, se taisent. Je me demande toujours d’où peut provenir cette peur qui l’habite et quand sera-t-elle apaisée.
* * *
Je me souviendrai jusqu’à ma dernière heure de l’instant où elle se heurta pour la première fois à mon espace. Mes yeux se nourrissent de la nuit. Les bras légèrement portés en avant je me suis avancée vers elle avec maladresse et j’ai senti son petit corps frissonner malgré ses trois ans. Sa tête s’est balancée afin de fuir ce qui restait de mon regard. Elle s’est échappée sur le sentier et la religieuse qui l’accompagnait l’a rudoyée.
Le soir, seule avec moi, elle s’est blottie contre la porte d’entrée. Mon fils Gabriel s’était protégé à l’étage. Assise sur la marche de pierre, son corps répond à chacun des bruits insolites que je ne perçois qu’à travers elle. Je lui ai parlé longuement, réinventant pour elle ma vie ici. Mais elle s’était murée dans le silence.
Je l’aimais déjà !
Je lui décrivis le jardin potager et les tâches que je devais y accomplir chaque jour. Sans espoir je lui proposai de m’y accompagner. M’engageant avec maladresse sur la terre humide, je sentis sa présence fragile dans mon dos.
Est-ce parce que ma voix lui avait soudain paru plus douce ? Est-ce parce que je lui avais demandé son aide pour cueillir les fruits mûrs que je ne pouvais discerner ? Elle ne me le dirait jamais mais elle resta à mes côtés.
Elle cessa de trembler et accueillit, non sans un sursaut, la paume de ma main sur sa chevelure d’ébène. Elle sentait la lavande et j’en aimais le parfum. Je le lui dis. Elle se rapprocha de moi, se pencha un peu et m’offrit sa nuque en me l’indiquant de ses doigts d’enfant.
Je ne sais pourquoi elle venait de me choisir et m’avait apprivoisée.

Auprès de moi, longtemps elle garda le silence. Je pleurais parfois reconnaissant la douleur de ce petit corps à l’histoire morcelée. Ce temps-là me sembla une éternité !
Une nuit, les larmes habitant mon sommeil, je perçus son pas hésitant sur le parquet de ma chambre. Elle n’en avait jamais encore franchi le seuil. J’attendis espérant un instant indéfinissable.
Elle approcha sa petite main tremblante de mon visage murmurant un « pardon »  à mon oreille. Surprise par le son de sa voix, dans ma nuit, j’entrouvris les paupières. Je la pris dans mes bras et la berçais avec tendresse.
- « Je ne voulais pas vous faire de mal. » murmura-t-elle avant de s’endormir tout contre moi tel un louveteau sur le ventre de sa mère.
* * *
Au-dehors, Noémie retournait la terre sèche à l’aide d’une fourche au manche usagé. Son front se plissait et son dos ruisselant ployait afin de vaincre l’effort. Le fils de Mamouchka était parti depuis de longs mois et elle se languissait en silence.
Cette vieille femme l’exaspérait en la conseillant depuis son fauteuil chaque matin le visage impassible.
-« Ne fais pas des rangs trop serrés ! » disait-elle toujours.
-« Quels rangs ? Qu’est-ce-que ça peut faire ? » lui répondait-elle avec violence.
-« Ne parle pas ainsi. Tu me fais mal. »
-« Et alors ! » reprenait la jeune fille pour elle-même, détestant ce ton de victime que l’autre prenait espérant la rendre coupable.
- « Noémie. Viens près de moi ! »
Elle allait encore la flatter de sa morale. Noémie sauvage et silencieuse se dirigeait vers l’extérieur.
-« C’est facile d’être toujours douce et mielleuse ! » venait-elle d’ajouter avant de claquer la porte derrière elle.
* * *
Des yeux morts de Mamouchka naissaient des larmes amères. Que s’était-il passé pour que cette enfant semble tellement la haïr ?

Une voiture venait de s’arrêter au bout du sentier. Reconnaissant le facteur, Noémie s’avança à sa rencontre. Elle arracha la lettre des mains du vieil homme. Hésitant un instant, elle découvrit un timbre étranger et l’écriture serrée de Gabriel. Son corps se mit à frémir.
Elle aurait aimé l’ouvrir mais elle était adressée à Mamouchka.
De toute façon elle ne pourra pas la lire ! se dit-elle. Le regard provoquant à l’adresse de Mamouchka, elle déchira le papier flétri par le transport. Un instant satisfaite de transgresser les règles établi par la vieille dame elle n’était déjà plus intéressée.
-« Noémie qu’est-ce-que c’est ? »
-« Une lettre de Gabriel. Votre très cher Gabriel ! » reprit-elle lui jetant l’enveloppe sur les genoux avant de grimper l’escalier.
Le regard de la femme se ferma derrière ses paupières.

A l’étage, Noémie martelait le sol et tournait dans sa chambre ouvrant et referma les tiroirs de sa commode.
Mamouchka l’écoutait. Ses doigts tremblant parcourraient le papier le humant essayant en vain de saisir le sens des mots.
Blessée de cette dépendance elle froissa les feuillets entre ses paumes et les pressa dans les plis de sa robe.

Noémie descendit enfin et la dévisagea en silence. Une douleur inexprimée imprégnait son visage.
-« Je vais partir ! » dit-elle.
La femme leva la tête dans sa direction.
S’engageant sur le chemin Noémie malgré elle perçut les derniers mots de Mamouchka :
-« Je ne comprends pas. Ma porte te serra toujours ouverte. Quand croiras-tu que dans cette maison tu es profondément aimée ?
* * *
Au bout du sentier voyant un homme s’avancer vers elle la jeune fille hésita. Seul le facteur prenait ce chemin.
Dans sa mémoire jaillit alors le souvenir de ses jeux d’enfant avec Gabriel. Le jeune homme avait une barbe naissante mais elle n’avait jamais oublié ce regard. 
A ma fille

jeudi 22 septembre 2011

Une Couronne de Lauriers

Enfin un roman !
Un été pluvieux peut-être fructueux.
J'ai aimé l'écrire,
Aimerez-vous le lire ?


Le livre Une Couronne de Lauriers

Disponible en cliquant sur le lien "à découvrir".

mardi 2 août 2011

Promesses Délicieuses


L’aube  dure et moite au-dehors
Parlerait presque d’un froid de novembre
Avec des mémoires d’un ailleurs douloureux et blessant
Où les meurtrissures s’étalent
Et ne peuvent se décrire
Au-delà du divan marron et froissé
Du professionnel des secrets  malmenés

Avec la surprise d’une valse au cœur de la pluie
La douceur d’une caresse sous un ciel terne
Quand nos mains se rejoignent
Et font vibrer les sens
La vie est ainsi faite
De promesses tellement délicieuses
Au-delà d’une  danse que tu choisis
Où tu inventes nos pas

Quand nos bouches  murmurent
Des chants d’un autre monde
Qui évoquent la houle
Sous les vents frais du large

Quand tu viens en douceur défroisser
Mes paupières un peu lourdes au réveil,
Délicate,
Ta main d’une caresse efface tous les passés
Tes lèvres toujours douces et leur murmure profond
Indescriptible sinon ce serait de l’impudeur

Que j’aime tes secrets dans les plis de ma peau
Murmurés divulgués
Quand les marées se lèvent
Et que la terre humide se vêt de blés dorés
Qui dansent sous le vent en évoquant les ombres
Douces,  parfois brunes, sur le sable d’un jaune pâle

Sous les reflets du vent
Quand le ciel reste tendre
La vie est ainsi faite de si précieuses promesses 

A Gustave, mon Cher Neveux




Un peu surprise par tes attentes ce jour-là, je n’ai pas su répondre à tes questions. De ce temps là, je ne sais pas très bien quoi t’en dire. Je ne vais pas t’en parler avec mon regard, je vais essayer de retrouver tes yeux d’enfant, tes yeux de cette hauteur-là.
 Comme dit parfois un être qui m’est très cher, ce qui compte dans une histoire ce n’est pas qu’elle soit vraie c’est qu’elle soit belle !  

En ce temps-là tu voyais le monde à la hauteur de mes genoux quand tu étais debout. Et tu tenais debout depuis bien peu de temps. Tu étais un magnifique petit garçon et tu riais beaucoup. Tu t’émerveillais de tout.
 Tes parents t’avaient confié à elle comme chaque année durant les vacances. Tu arrivais dans cette maison pour y vivre quelques jours. J’appelle parfois cette maison, la maison bleue quand je suis d’humeur tendre et pour toi je resterai d’humeur tendre. Je crois que je la nomme ainsi parce que les deux portes d’entrées étaient bleues quelle que soit la rue par laquelle nous pouvions y pénétrer. Enfin je crois, tu vois même maintenant je ne suis plus très sûre.
Tu arrivais souvent par la grande rue celle qui arrivait de l’autoroute ou bien directement depuis la maison de tes grands-parents. Quand tes parents ouvraient la porte tu avais déjà trois hautes marches à grimper. Impossible de te hisser tout seul d’une marche à l’autre à ton âge. On te soulevait en mettant les deux mains sous tes aisselles afin de te soutenir et t’aider un peu.
Là, l’exploration du  jardin valait bien n’importe quel conte de Perrault ou de Grimm. Tout devenait intéressant pour toi.
Contre les marches sur lesquelles tu avais enfin trouvé une stabilité poussait un arbuste garni de petites fleurs blanches telles des étoiles des diamants en suspension au milieu de son feuillage vert tendre. Elles scintillaient dans la lumière douce du soleil. J’adorais son odeur et te la faisais partager comme elle l’avait fait avec moi et tous les autres sans doute. C’était un … Bon sang, j’ai encore oublié le nom !!! C’est elle qui l’avait planté et nous l’avait fait découvrir.  Mais oui ! Seringa, jasmin des Poètes, c’est joli tu ne trouves pas !  Mais ces fleurs là étaient portées par  des brindilles légères qui piquaient un peu. Alors toi, tu aimais bien davantage ce qui se trouvait à ses pieds. Tu les cherchais déjà dès ton arrivée. Un peu plus bas, à hauteur de tes petites chaussures, naissaient de petits points rouges perdus au milieu de toutes petites feuilles vertes. Ces fruits-là avaient un goût délicieux et croquaient un peu sous la langue quand tu fermais la bouche avec hésitation.
Il y avait toujours ce minuscule panier d’osier qu’elle avait acheté exprès et uniquement pour toi. Il était à ta taille. Son anse délicate juste faîtes pour tes petites mains à peine mobiles encore. Il était aussi là à la taille de ces petits fruits rouges. Ces petits points de couleur vive tels de petits éclats de braises étaient cachés en réalité dans tous les coins du jardin. Des Fraises-des-bois qu’elle avait réussi à planter ça et là, au pied d’un arbre, dans un buisson, au milieu des Marguerites et des Dahlias, au pied de cette pierre ancienne, borne kilométrique, trouvée sans doute au bord d’une route ou d’un sentier. Je ne sais !
 Tu marchais trébuchant vers la maison sur la petite allée de pierre un peu disjointes. Attention il y a là deux marches et puis encore deux au milieu de passe-roses en été. Tu sais c’est ton père à l’âge que tu as maintenant qui a installé le goutte à goutte. Une pluie fine par endroit descend sur les basses fleurs. Il m’avait bien impressionnée à l’époque où il avait su seul l’installer ainsi le long de toutes les bordures.
Sur la gauche en descendant juste à côté d’une ancienne fontaine de pierre court une clématite. Celle-ci est d’un bleu-sombre et grimpe très haut sur le mur à travers les feuillages.  Attention,  il y a là encore trois marches à descendre avant d’être sur la terrasse !
 Enfin tu retrouves ton tracteur rouge aux pédales jaunes comme des soleils. Elle l’a sorti avant ton arrivée. Elle pense à tout ! La glycine qui longe la baie vitrée depuis de longues années, bien avant que nous connaissions cette maison, dégage un parfum sucré au travers de ces grappes mauve-clair le long de ses lourds et noueux branchages.
Tu peux gambader enfin sans crainte ! La joie de la suivre partout, elle qui t’accueille toujours avec tant d’emphase éveille chez toi un rire clair.
Sais-tu que ton père l’appelait La Castafiore en référence à « Tintin au Tibet ».
 J’habitais dans une petite maison au bout de la rue perpendiculaire à la maison bleue. Je donnais sur un côté des arènes auxquelles nous pouvions accéder par un sentier qui serpentait doucement.
Tu venais me voir en pédalant fermement sur ton petit tracteur rouge. Elle t’accompagnait à pied et te poussait un peu parfois car la pente était traître pour tes petites jambes. J’entendais ta petite voix de loin quand tu m’appelais.
Tu aimais bien venir voir les oiseaux que j’avais installés dans une grande volière construite entre intérieur et extérieur. C’était incroyable comme tu étais curieux de tout et tellement rieur. Il y avait là deux rossignols du Japon que tu reconnaissais. Chez toi ton père les gardait en liberté dans votre appartement. Tu découvrais d’autres espèces au plumage coloré et varié.
 Elle t’emmenait partout. Au marché elle était fière de te montrer de raconter tes bons mots et tes progrès.
La plage était toute proche alors tu faisais tes premiers pas dans le sable fin et elle te montrait l’intérêt du seau et de la pelle. Avec toi, elle était patiente et drôle. Le temps s’arrêtait pour elle. Elle était toute pour toi.
 J’ai déménagé dans la ville où je vis maintenant. Je n’ai pas reconstruis la volière. Je garde plein de souvenirs de ces moments délicieux où je te rejoignais chez elle où sur la plage.
Peut-être ces quelques pages écrites pour toi t’apporteront un peu de ce temps là toi qui t’interrogeais ayant perdu tes souvenirs. 

jeudi 30 juin 2011

Ces Deux-Là



Le petit carnet qui se trouve entre mes mains est fait d’à peine quelques feuillets usagers et jaunis, couverts de quelques lignes qui ne sont pas les miennes. De petites lettres aux formes serrées devenues grises font office de commentaire à l’écriture froide et technique qui ne peut prétendre s’appeler récit. Une à deux phrases pour chaque jour de cette saison-là. J’ai eu envie d’en reprendre l’histoire à peine commencée, jamais tellement élaborée non plus, et de la raconter. D’une histoire l’important ce n’est pas qu’elle soit vraie, ni juste. C’est seulement qu’elle soit belle ! Le sera-t-elle ? Aujourd’hui c’est un peu tôt pour le dire. Elle sera en tout cas enfin racontée, inscrite.

Il faisait nuit et froid au-dehors. Les trottoirs de la ville étaient couverts de gris ; neige et traces de pas répétés s’étaient trop longtemps mêlées au cours des dernières heures. Les étales de la rue de Bucci étaient depuis longtemps fermés et rangés pour la nuit. Nougaro devait chanter dans un des bistrots à deux pas quand elles ont subitement frappées pour sortir au dehors.
Elles sont arrivées ainsi au milieu de cette nuit-là. Légères comme deux plumes poussées par le vent d’hiver,  fraîches et douces,  le regard encore clos et la peau si claire. Elles avaient le même souffle, la même fragilité transparente que la glace au-dehors. Il eut été facile de les prendre chacune dans le creux d’une main et peut-être de jongler avec elle. Qui d’elles d’eux eut été en haut, eut été en bas, il était difficile de le dire. Rien ne les différenciait, quelques grammes, il est vrai, ce premier jour-là mais c’était déjà si peu.
Dans le regard de ceux qui les regardaient, les pesaient, les nettoyaient, il était possible déjà de lire la fascination et la peur face à tant de ressemblance. Allongées ainsi toutes deux dans un lit commun tellement elles étaient petites, chacune était le reflet pur de l’autre mieux que n’eut pu l’être un reflet dans le miroir. Plus semblables encore que le résultat d’un calque sur l’image ou le tirage sur papier d’une photo en deux exemplaires. Elles seules ne pouvaient pas le savoir ne pouvant accéder à la perception de leur propre image.
Elles sentaient bien déjà dans les regards et dans les mots qu’il n’y avait de la place que pour une.
Ils ont dit d’une qu’elle était douce, qu’elle était belle. Ils ont dit de ces deux-là qu’elles étaient incroyables tellement elles étaient pareilles. A l’autre, ils n’ont parlé que de la première. Jamais à elle ils n’ont pu dire qu’elle était douce et belle pour elle-même. C’était toujours l’autre ou les deux ensemble.
Elles avaient des mots secrets pour communiquer entre elles et les sens en éveil. Cela faisait quelques mois qu’elles avaient appris à partager, à s’entraider face aux secousses du monde extérieur. Elles ont continué de plus belle à se rassurer mutuellement, à tenter de se faire entendre. Mais les mots ne pouvaient pas se dire au monde. Articuler, ça, elles ne le savaient pas encore. Alors elles ont crié, parfois pleuré aussi. Et elles se sont parlé encore ainsi dans le silence de leur deux corps, dans leurs murmures, comme au temps d’avant.
Mais est arrivé ce jour-là où les regards du monde posés sur elles étaient plus fermes plus nombreux et plus froids aussi.
Il fallut bien leur choisir un nom afin de les définir. Elles étaient arrivées si précipitamment. Une saison d’avance, ce n’est pas rien en hiver ! Vous connaissez les changements qui se font connaître entre l’hiver et le printemps. Au dehors, la lumière et les sons ne sont déjà plus les mêmes. Si vous vous penchez sur les fleurs et les arbres, vous voyez bien que le temps d’une saison fait toute la différence. Et les fleurs et les arbres avaient alors bien plus de poids que ces deux-là.
Les mots, consonnes et voyelles, les syllabes réunies, changent l’humeur du monde et la face des relations en ce monde. Alors est-ce ainsi que les choses se sont écrites dans cette histoire-là ?
Dans le regard de ceux qui les regardaient toujours ensemble, on pouvait lire ce désir de les diviser, de  les séparer davantage. Tant de ressemblance, de connivence dans les silences était insupportable, peut-être même enviable, qui sait ?
L’une fut inscrite pour gagner. Le mot qui fut choisi pour la nommer est utilisé à l’issue des batailles, des guerres ou des compétitions. Laissant ainsi entendre que l’issue de la survie ne peut que faire naître les larmes dans les yeux de l’autre si ce n’est sa perte.
L’autre, le reflet parfait, tellement fidèle, de la première fut nommée pour le sacrifice, l’abnégation mais aussi la sagesse, la sacrifiée.
Avaient-ils trop longtemps jalousé leur connivence et leur silence commun ? Leur partage depuis des mois était-il si dérangeant ? Il était fait de douceur et d’espace, de nourriture et de sommeil qu’elles poursuivirent à l’extérieur comme veillant sans cesse l’une sur l’autre, à travers leur souffle commun et tellement semblable.
Elles ont bien tenté, toutes deux, de dire que ça ne leur convenait pas. Elles ont bien crié qu’elles avaient su vivre ainsi, jusque là et, qu’elles-deux ensemble, elles le sauraient toujours. Mais ils n’ont rien voulu entendre.
Les prénoms, comme ils disent, furent inscrits sur des parchemins et enregistrés à jamais !

Toutes deux s’épaulaient l’une l’autre, se berçant de leur souffle commun. Elles se répondaient en écho, se lovaient dans cette odeur douce d’océan lointain et de chaleur du corps de l’autre. Elles jouaient à se mêler bras, jambes, peau, afin de se sentir plus lourdes collées ainsi ensemble, imaginant se protéger d’un extérieur trop bruyant et tellement incertain.

Soudain l’ombre est entrée. Une odeur forte les avait réveillées, brutalement sorties de leur connivence secrète et des murmures qu’elles partageaient.
Le corps si grand et lourd, le regard noir fait de nuit d’orage s’est penché encore sur elles-deux. La seconde a crié un peu plus fort sans doute, sentant peut-être déjà que cette venue là était pour elle seule et pour la première fois n’était pas pour elles-deux.
Des mains se sont posées sur son visage. Des doigts forts ont pressé sa bouche ressemblant à ce qu’aurait pu être de la tendresse. Elles avaient déjà connu des gestes de l’extérieur ressemblant à cela. Mais la première percevait déjà la tension dans les doigts. La tendresse s’accompagne de bras souples et d’une odeur de miel. Là, l’odeur ressemblait au vinaigre et les mains étaient raides et fermes.
Et puis il y eu ce silence. Ce tellement grand silence. Il n’y eut enfin plus qu’un souffle : Le sien à elle seule. Un souffle fébrile où durant un instant elle crut même ne plus savoir si son souffle lui-même existait encore.
L’ombre grande avait déjà disparu mais elle en connaissait bien l’odeur. Elle tenta de se rapprocher de l’autre, son reflet, son image. Elle chercha le poids léger de ses doigts aussi fragiles que les siens. Elle chercha les murmures et se rapprocha encore mais elle se heurta à une chose froide et vide. Un vide tellement vide, un vide tellement immense qu’elle n’en connaissait pas les contours. Un vide raide, rigide et froid. Les sons et les odeurs avaient changé et elle se sentit tellement là et ailleurs. Cette sensation ne la quitta plus.

Extrait de la nouvelle "Ces deux-là" appartenant au recueil "Certitudes" 2011

jeudi 19 mai 2011

Certitudes




Le Printemps est là, accompagné d'un
 nouveau recueil de Poèmes et surtout des Collages
Tous de 2011
Bonne lecture !


Le livre CERTITUDES


Il est des silences 
Où s'inscrivent des certitudes


Nouvelle Bannière Décembre 2013

mercredi 27 avril 2011

Fenêtre sur Mer



La Côte d'Argent - 26 Avril 2011



26 Avril 2011



Fenêtre sur Mer - 26 Avril 2011


samedi 26 février 2011

Je n’hésiterais pas !







Si tu  oubliais les histoires, le goût salé des phrases,  le bruissement de soie des vagues sur le sable, je te regarderais longuement. En silence, tout d’abord, je plongerais dans tes yeux caramel, je chercherais en toi, dans ce regard si doux, dans ses reflets si vifs, chauds et tellement rieurs derrière leur couleur de mille feux, terre de Sienne, reflet du miel à l’envi, quand ils se posent sur moi. Je chercherais d’où vient cette sensible tristesse, cette sauvage détresse que j’y découvrirais qui fait que tu te tais.
Je m’approcherais encore, je te prendrais la main et je t’emmènerais au loin, en direction de la plage.
Nous traverserions le bois de pins à l’ombre de la dune. Nos pieds fouleraient quelques épines et brindilles déposées là par les vents de l’hiver. Si tes yeux ne cillaient pas, si ta main restait molle au contact de mes doigts. Je patienterais encore, les vagues se rapprocheraient en dansant,  le vent apportera l’odeur des marées et du sel mêlés. Nos yeux plisseraient un peu à l’approche du sentier qui descend vers la grève. Les oyats ayant remplacé les pins, nous ne connaîtrions plus d’ombre pour nous protéger de la lumière, seule les ombres de nos corps marcheraient juste derrière nos pas.
Assis auprès des vagues sur le sable encore vierge à la nouvelle saison, regard sur l’horizon, je m’assiérais entre tes jambes, mon dos contre ton buste ainsi tu ne verrais pas mes larmes.
C’est ainsi que tu préfères m’enlacer, tu m’enveloppes de ton buste et respires mes cheveux et ma nuque et déposes dans mon cou tes baisers tes murmures...
Et si tu ne bougeais pas, insensible au parfum de ma peau, je chercherais ton souffle et te dirais combien les couleurs sont belles passant du vert au rose et du violet au blanc quand les touches du noir rappellent  les Kanjis, idéogrammes japonais, là où rêvent les piquets des pêcheurs qui marquent les casiers des parcs à huîtres, sur le banc de sable or et blanc aux courbes douces et changeantes à cette heure.
Puis doucement je prendrais tes livres un à un, je te lirais chaque page. Je m’arrêterais un peu pour  te relire mieux tous ces mots qui parlent si bien de moi. Je m’appuierais contre toi un peu plus fort encore comme le font les chats parfois, je lèverais doucement ma main pour atteindre ton cou et ta nuque, là  où tes cheveux bouclent un peu et glissent entre mes doigts, saveur délicieuse de tes cheveux humides.
Si ta main ne bougeait pas, si tu ne reconnaissais pas mes doigts, si ton souffle restait encore éloigné, je te dirais  tes mots ceux écrits sur ma peau, ceux laissés, çà et là, dans l’espace de tes rêves, ceux de tes colères sur le monde, un peu, afin que tu te souviennes de qui tu es.
Je te murmurerais tous mes mots les miens ceux que tu aimes. Je me tairais un peu pour écouter les vagues et la marée qui monte. J’en inventerais de nouveau, là, à cet instant même. Je te raconterais chacun des gestes et des silences, chacun des mouvements de toutes nos rencontres de toutes nos attentes.
Je te rappellerais l’histoire de nos premiers baisers là bas sur le banc de bois une nuit de printemps à l’ombre de la rive.
Si ton souffle ne changeait pas. Si tu me semblais encore le regard absent. J’hésiterais sans doute un instant puis je te dirais enfin mes erreurs à l’heure de mes doutes, quand j’ai fait comme si je t’avais oublié croyant que tu m’avais laissée. Je te dirais enfin comment tu as occupé chacun de mes silences de ce temps là. Je te dirais comment perdue de cette trop longue absence je me suis précipitée dans un ailleurs fait de cris, de moqueries et de domination, de manipulation et de privations, de mesquineries. Celles que je tais toujours. Je crois qu’il n’y a pas un jour où je n’ai pas eu peur. Je te raconterais hésitante comment on m’avait supprimé mes crayons comment j’ai été épiée, surveillée. Sur le calendrier ça a duré en réalité cinquante jours qui se sont étirés sur cinq très longues saisons. J’ai pensé à toi chaque jour.  J’ai erré souvent seule dans la ville j’avais besoin de toi espérant t’y trouver mais comment te dire combien j’étais habitée par la peur. Je me suis isolée souvent sur les sentiers que nous avions tous les deux fréquentés. Je suis allée cent fois m’asseoir sur le muret face à l’église. J’ai évité tes concerts de peur que mon erreur m’ait rendue laide. Mille fois j’ai pianoté le début de ton numéro sur l’écran de mon portable depuis ce muret mais comment te dire que tu étais toujours aussi présent et combien c’était aussi douloureux de penser à toi sans pouvoir trouver la force de remonter vers le soleil et vers les plages.
Je te dirais tout cela. Peut-être reconnaîtrais-tu mes larmes ?
Et puis doucement je me rapprocherais encore de toi, dos à la vague alors je chercherais tes yeux et si eux se taisaient, ton corps lui se souviendrait peut-être …
Face au vent du large je te dirais tout de même tout ce que tu es. Je te parlerais de ces jours où nous allons vieillir et puis bien sûr de ce monde où nous allons mourir.
Je veux alors que ce qui sera poudre et sable de moi rejoigne ce banc de sable afin d’être toujours dans ce monde entre deux mers. Le plus près du ciel et des rêves, les tiens, et le plus près du bord de la terre.
Je te dirais tous tes mots doux, Je te murmurerais tous les miens… Je te dirais enfin que c’est toi qui me lâches un peu cette fois encore et que tes larmes montrent combien tu ne le veux pas et que non je ne te laisserai pas.
Si tes doigts ne frémissaient pas encore sur ma peau, si ta voix se taisait toujours…
 Alors je prendrais ta main et je glisserais mes doigts dans la tienne et je la serrerais fort espérant que tu te souviennes…
Et puis je me tairais et je resterais là à écouter ton souffle et la marée qui monte.

lundi 21 février 2011

Souhaits


Que le vent qui se lève
Au bord du fleuve à ton réveil
Vienne caresser ta nuque
E t te couvre de mes baisers

Que la bruine qui se pose
Sur la terre à l’aurore
Vienne rafraîchir tes pensées
Éclairer ta journée

Que la mer qui se déchaine
Au loin parfois dans la stupeur
Vienne étancher tes rêves
Et puisse t’envelopper de ses milles reflets

Que  mes douces  pensées
Et mon regard gris-vert
Sur chacun de tes mots
Et le grain de ta peau
Te donne à oublier 
Combien le monde tourne
Parfois de travers

Et si c’était tout près
Que le monde se mettait à l’envers
Que chacun de mes baisers
Te permettent de retrouver
Et le goût de mes mots
Et le goût de ma bouche

Que cette journée soit douce
Comme les matins de plage
Riche en surprise
Comme les reflets du sable.



Vertige





J’ai vu des partitions, des musiciens, des saxos
Danser à la surface de l’eau,
J’ai redécouvert le Tango,
Tes doigts ont fait des arabesques
Sur les touches du piano…

Tu as inscrit ancré
Tes murmures sur ma peau
Tête à l’envers baisers du cœur

Tu m’as conté les secrets de la dune
A ses pieds nous avons dormi
Et tellement ri aussi

Enveloppée par tes bras,
Le Banc blanc rose violet
S’étirait sur l’horizon à nos pieds
Avec la légèreté des courbes d’un arc-en-ciel

J’ai lu des reflets des images
Sur des écrans blancs
Et d’autres parchemins

Le vent s’est levé
Seule soudain face à cet horizon fragile
Ma main est froide
Et s’affirme une envie de vomir
Et cette incapacité à bouger

La terre risque de se désagréger
Sous mes pas
Je ne sais plus comment descendre
Avancer sauter rouler
Je voudrais savoir m’asseoir
Et jouer des doigts avec ce sable délicat

Es-tu parti protéger nos secrets
Mieux les garder pour l’éternité
Joues-tu à te cacher
Comme les enfants au-delà de  la colline
Es-tu allé cueillir quelques oyats sur le flanc Est
Ou chercher quelques branches pour le feu
T’es-tu endormi à l’ombre des pins
Si minuscules un peu plus bas

Le sable pique et la lumière brûle mes paupières
Je ferme les yeux et m’accroche
A chercher le son de tes pas
Mais le vent si haut est trop fort
Je déteste ce vent
Soudain trop présent
Je vacille

Mais le sable frémit à deux pas
Tes bras enserrent ma taille avec douceur
Ta bouche effeuille ma nuque et mon cou
Je me retourne dans un rire léger
Tes yeux terre de Sienne dans mon regard fougère
Mes mains se faufilent avec délicatesse
Sous les laines et les cotons de tes vêtements.


samedi 15 janvier 2011

Autour de La Terre



A tous ceux 
qui savent encore
Regarder au loin 
Et écouter le vent
Qui parlent aux nuages 
Et lisent dans les grains doux du sable 

A ceux là 
Je souhaite une année délicieuse


Aux autres,
Ceux qui à Noël et à nouvelle année
Chargent leur panier 
D'autant de victuailles et d'objets
Qu'il en faudrait à l'autre bout de la terre
Pour nourrir une famille entière
Le temps d'une saison


A tous ceux là, je dis
Tant pis pour eux