Un peu surprise par tes attentes ce jour-là, je n’ai pas su répondre à tes questions. De ce temps là, je ne sais pas très bien quoi t’en dire. Je ne vais pas t’en parler avec mon regard, je vais essayer de retrouver tes yeux d’enfant, tes yeux de cette hauteur-là.
En ce temps-là tu voyais le monde à la hauteur de mes genoux quand tu étais debout. Et tu tenais debout depuis bien peu de temps. Tu étais un magnifique petit garçon et tu riais beaucoup. Tu t’émerveillais de tout.
Tu arrivais souvent par la grande rue celle qui arrivait de l’autoroute ou bien directement depuis la maison de tes grands-parents. Quand tes parents ouvraient la porte tu avais déjà trois hautes marches à grimper. Impossible de te hisser tout seul d’une marche à l’autre à ton âge. On te soulevait en mettant les deux mains sous tes aisselles afin de te soutenir et t’aider un peu.
Là, l’exploration du jardin valait bien n’importe quel conte de Perrault ou de Grimm. Tout devenait intéressant pour toi.
Contre les marches sur lesquelles tu avais enfin trouvé une stabilité poussait un arbuste garni de petites fleurs blanches telles des étoiles des diamants en suspension au milieu de son feuillage vert tendre. Elles scintillaient dans la lumière douce du soleil. J’adorais son odeur et te la faisais partager comme elle l’avait fait avec moi et tous les autres sans doute. C’était un … Bon sang, j’ai encore oublié le nom !!! C’est elle qui l’avait planté et nous l’avait fait découvrir. Mais oui ! Seringa, jasmin des Poètes, c’est joli tu ne trouves pas ! Mais ces fleurs là étaient portées par des brindilles légères qui piquaient un peu. Alors toi, tu aimais bien davantage ce qui se trouvait à ses pieds. Tu les cherchais déjà dès ton arrivée. Un peu plus bas, à hauteur de tes petites chaussures, naissaient de petits points rouges perdus au milieu de toutes petites feuilles vertes. Ces fruits-là avaient un goût délicieux et croquaient un peu sous la langue quand tu fermais la bouche avec hésitation.
Il y avait toujours ce minuscule panier d’osier qu’elle avait acheté exprès et uniquement pour toi. Il était à ta taille. Son anse délicate juste faîtes pour tes petites mains à peine mobiles encore. Il était aussi là à la taille de ces petits fruits rouges. Ces petits points de couleur vive tels de petits éclats de braises étaient cachés en réalité dans tous les coins du jardin. Des Fraises-des-bois qu’elle avait réussi à planter ça et là, au pied d’un arbre, dans un buisson, au milieu des Marguerites et des Dahlias, au pied de cette pierre ancienne, borne kilométrique, trouvée sans doute au bord d’une route ou d’un sentier. Je ne sais !
Sur la gauche en descendant juste à côté d’une ancienne fontaine de pierre court une clématite. Celle-ci est d’un bleu-sombre et grimpe très haut sur le mur à travers les feuillages. Attention, il y a là encore trois marches à descendre avant d’être sur la terrasse !
Enfin tu retrouves ton tracteur rouge aux pédales jaunes comme des soleils. Elle l’a sorti avant ton arrivée. Elle pense à tout ! La glycine qui longe la baie vitrée depuis de longues années, bien avant que nous connaissions cette maison, dégage un parfum sucré au travers de ces grappes mauve-clair le long de ses lourds et noueux branchages.
Tu peux gambader enfin sans crainte ! La joie de la suivre partout, elle qui t’accueille toujours avec tant d’emphase éveille chez toi un rire clair.
Sais-tu que ton père l’appelait La Castafiore en référence à « Tintin au Tibet ».
Tu venais me voir en pédalant fermement sur ton petit tracteur rouge. Elle t’accompagnait à pied et te poussait un peu parfois car la pente était traître pour tes petites jambes. J’entendais ta petite voix de loin quand tu m’appelais.
Tu aimais bien venir voir les oiseaux que j’avais installés dans une grande volière construite entre intérieur et extérieur. C’était incroyable comme tu étais curieux de tout et tellement rieur. Il y avait là deux rossignols du Japon que tu reconnaissais. Chez toi ton père les gardait en liberté dans votre appartement. Tu découvrais d’autres espèces au plumage coloré et varié.
La plage était toute proche alors tu faisais tes premiers pas dans le sable fin et elle te montrait l’intérêt du seau et de la pelle. Avec toi, elle était patiente et drôle. Le temps s’arrêtait pour elle. Elle était toute pour toi.
Peut-être ces quelques pages écrites pour toi t’apporteront un peu de ce temps là toi qui t’interrogeais ayant perdu tes souvenirs.
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