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Sud - Ouest, France
Des mots-Des Images en tout sens

vendredi 29 octobre 2010

Vieillir





C’est un jour où,
Face aux livres
Dans les rayons de sa bibliothèque,
il est possible encore,
De se souvenir
Et reconnaître parmi eux,
Les humeurs éprouvées,
Et combien on a pu les aimer,

C’est aussi savoir  
Qu’on pourrait les relire,
Avec toujours autant de plaisir,

C’est se rappeler enfin,
Parmi certains ouvrages,
La musique des mots,
La spécificité des phrases,
Leur  volupté parfois.

C’est savoir toujours
Comment on les a humées
Et à quelle saison,
C’est pouvoir dire encore,
Combien parfois
Le cœur était lourd
Avant d’ouvrir le livre
Et comment le voyage fut doux
Au travers de ces mots,
Et comment ils ont pu
Vous guérir.

Face à une de ces  pages
Qui se serait perdue
Parmi les rayonnages,
C’est aussi
En reconnaître le style,
Et savoir
La remettre à sa place
parmi celles de l’auteur.

Mais vieillir,
C’est aussi réaliser
Vouloir, mais ne plus savoir,
Raconter…

Vieillir,
C’est se découvrir
Etre dans l’incapacité de dire
Quelle force traverse chacun des mots


C’est aussi
Vouloir, mais ne plus savoir,
Et être dans l’incapacité de dire
La déception, quelquefois,
Face à l’un de ces ouvrages.

Vieillir,
C’est vouloir,
Mais ne plus savoir,
Ou ne plus pouvoir dire
Qu’une banalité
Qui n’est en rien particulière à son auteur
Ni spécifique au livre même.

Alors en sera-t-il ainsi de chacune des choses
En sera-t-il ainsi
Face à chacun de ceux
Qui aujourd’hui seuls comptent

Y aura-t-il un jour fait d’oubli
Avec toujours cette conscience
D’avoir aimé
Mais aussi, ne plus savoir
Comment ni pourquoi,

Alors n’y aura-t-il plus de mots
Juste cette certitude
Qui ne serait suivie
Que du vide sans images,
Que du vide sans mots.

Serait-il possible un jour
De ne plus savoir
Lire ton sourire
Ni reconnaître tes yeux ?

Serait-il possible
En passant sur le pont
Au-dessus de ce fleuve
De ne plus en reconnaître ce banc
Sur la rive

Serait-il possible
D’oublier le sourire
Au-delà de ton premier baiser
De ne plus savoir le goût de ta peau
La saveur de tes mots

D’oublier la douceur
Du repos sans sommeil
Apaisée
Au cœur de tes bras.

Alors mieux vaut mourir
Que de ne plus connaître,
Alors mieux vaut mourir
Que de ne plus reconnaître
Toutes les douceurs et les musiques
Qui accompagnent tes doigts
Sur ma peau et au bord du piano,

Alors mieux vaut mourir
Que de ne plus reconnaître
Toutes les douceurs et les musiques
Qui traversent tes pages
Et habitent tes images,

Alors mieux vaut mourir
Que de ne plus reconnaître
Toutes les douceurs et les musiques
Qui accompagnent
Certaines des beautés de ce monde.

Dis-lui toi qu’il est loin d’être venu
Ce temps de l’oubli
Je t’en prie
 Dis-lui,
Que peut-être
Ce temps là
Ne sera pas pour elle
Il est parfois pour d’autres

Dis-lui,
Toi,
Qu’il est des blessures
Qui ne sont pas
Toujours faites pour les mêmes
Et qu’il est des saveurs
Qu’il est impossible d’oublier
Et que ces douceurs
Sont là
Et seront là toujours

Dis-lui toi
Que vieillir
C’est aussi se souvenir
Que vieillir
C’est parfois murmurer
Des choses qui ne sont pas pour d’autres
Et que ces choses sont juste
Les douceurs secrètes et les murmures
Au milieu de ces pages
Et que ce sera toujours
Juste parce que c’est elle.

Mon grand-père, un jour,
M’a accueillie en disant
Vous êtes qui ?
Mais après quelques jours
Il a de nouveau reconnu ma main
Et jusqu’au dernier jour enfin.