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Sud - Ouest, France
Des mots-Des Images en tout sens

mercredi 7 janvier 2009

Les ailes du Piano





Les dalles au sol reflètent les ombres qui s’envolent telles de grandes ailes d’oiseaux migrateurs s’étendraient sur le sable humide et chaud du soleil couchant partant vers un ailleurs où secrets et quotidien s’emmêlent. Le murmure des vagues bruisse dans les cheveux de mousse qui enveloppent les anges de la fontaine. Le tintement régulier de la cloche du tramway bat dans mon dos telle la butée de l’aiguille d’un métronome imaginaire .


Soudain des rythmes naissent entre ciel et terre.

Offert au vent tiède, le corps charpenté dans sa robe dorée, il est arrivé de nulle-part. Les sons qu’il produit semble d’un autre monde, la résonance de la place rappelle le corps des cathédrales.

Les ombres sur le sol suspendent leur envol.

Une jeune femme aux pieds nus dessine des arabesques sur le pavé. Assis sur un tabouret, un jeune homme presse devant lui les touches d’ivoire parfois avec violence puis reprend avec douceur alors que le corps de la jeune fille glisse puis s‘élève vers l’absence des nuages. Elle rampe encore à effleurer les dalles.
Est-ce lui ou bien cette fille dansant à ses pieds qui dirige le bal ?
Quelques phrases encore aux rythmes plus ou moins lascifs et lui se lève pour la rejoindre. Ils disparaissent ensemble dans la première ruelle.

Un adolescent prend aussitôt place devant le corps de bois et entame des chants de terre et de brouillard, mémoire de son enfance ailleurs. Son paysage de steppes est traversé par une horde de chevaux sauvages, leur robe de la couleur des sommets himalayens, la crinière suspendue aux raies de lumière. Au cœur de son village des femmes aux cheveux tressés de rubans rouges et verts font voler leurs jupons colorés dans la crête du vent.

La solitude est douce bercée par les vents de Caucase.

D’autres rythmes s’élèvent de l’ombre d’une façade. Guidée par les saxophones et les cymbales qui se répondent, mon âme méandre lentement vers d’autres paysages faits de sel et de sable crissant sous mes pas.
Le ciel s’assombrit. Un orage se lève et le silence peu à peu s’installe. Mon regard cherche la robe dorée bordée de touches d’ivoire. La place est déserte. Seule les dalles roses luisent d’une onde plus sombre.

Je me demande si je n’ai pas rêvé.

J’ai aimé me perdre dans des ruelles plongeant vers des profondeurs sans lumière. Là où les balcons et les portes cochères, les voûtes et les places rondes émergent avec brutalité, là où même un chat ne s’aventurerait pas. Là où parlent encore les pierres dans ces cours intérieures faîtes de dentelles de fer forgé et de pavés mêlés à la terre.
De nouveau dans la lumière, j’ai cherché les traces de la robe dorée. J’ai tenté de retrouver mon chemin en direction de la fontaine de pierres et de mousse. J’ai perçu au loin les sons chauds des doigts caressant les touches d'ivoire quand les tambours frappent les cordes de métal. J’ai pressé mon pas.

Il était là. L’orage étant passé, il s’était arrêté à l’ombre des marches de l’immeuble massif que seule cette place pouvait accueillir.
Maintenant un homme d’âge mûr était assis sur le tabouret, son feutre oublié au bord de la robe de bois devenue sombre. Il dansait presque sur lui-même en battant la mesure de son pied gauche.

Je me suis assise à même les marches et suis restée encore un peu à l’écouter de peur qu’il ne prenne de nouveau son envol.

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