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Sud - Ouest, France
Des mots-Des Images en tout sens

dimanche 9 novembre 2008

Les Mots



Ils traversent les âges et les océans portés par le vents. Véhiculés du bout des lèvres et puis rangés par ordre, classés ainsi depuis des millénaires afin de ne pas se perdre. Patiemment ils attendent que l’on se serve.

Il y a ceux qui nomment et qui rassemblent. On connaît trop ceux qui divisent. On retrouve ceux qui cognent, qui brassent et qui bouleversent. Il existe même maintenant ceux qui vendent.
Il y a ceux qui mentent et font le grand écart entre les convenances et les secrets du coeur.
Et puis il y a tous les autres. Ce sont mes préférés. On trouve tout d’abord ceux qui nous échappent et qui partent de travers mais il existe aussi ceux qu’on garde au fond de soi, ceux qui font peur au bord des lèvres et qu’on préfère taire. Il faudrait tellement qu’ils soient justes, on voudrait qu’ils nous soient fidèles. On leur exige, on leur demande d’être assez précis, assez doux mais aussi assez forts pour définir ces instants si rares. Alors quand ils ne sont pas là on les blâme.

Mots malmenés qui ne sont là que pour servir, nous servir. Eux n’ont pourtant rien demandé. Nous sommes seuls responsables de ce qu’on leur fait vivre.
Parfois même, on les maltraite, on les écorche, on les coupe, on les cambre. Mais ils reviennent toujours frapper à notre porte. Vaine tentative de leur part pour nous aider à dire. Ils se déchaînent alors du creux du ventre jusqu’aux parois de notre boîte crânienne. Ils arrivent tous ensembles comme pour mieux nous rappeler qu’ils sont toujours là et vraiment pas pour dormir.

Est-ce eux qui nous dirigent ou bien nous-mêmes qui les connaissons si bien sans savoir les reprendre. Leur place est dans le vivant.
La peur d’eux vient de loin. Tous ces mots tendres qui ont trahi dans nos souvenirs d’enfance. Toutes ces promesses que les anciens n’ont pas tenus. Ces tendresses dressées, exposées, épelées, juste pour être satisfaits et pour mieux diriger. Ce sont les adultes de notre enfance qui les ont déplacés, malmenés, bafoués pour mieux nous asservir. Et il est bien des lieux aujourd’hui encore où l’on se sert de milliers de syllabes dont la vie devrait-être ailleurs.

Les mots n’y sont pour rien.
Ils aiment être au dehors et trouvent leur place pleine quand ils sont murmurés. Ils sont là pour éclore à l’orée de nos lèvres tel le vent tiède dans les feuilles de Mai. Ils sont caresse et créateurs d’images qui rebondissent avant de s’élancer en toute liberté sur cette ligne de l’infini et pour l’éternité.
Encre noire faîte de jambes et d’ourlets, de ventres ronds et de têtes brisées. Dressés sur la page blanche, ils l'habillent et l'on parle de style. Ils peuvent-être mélodieux et ce sont ceux de Duras. Je les reprends souvent pour les lire à voix haute ( C’est un goût personnel).

Ils peuvent être tellement doux à lire, à ré-entendre pour se souvenir encore, avant de s’endormir. Ils sont chauds, tièdes, libres, salés, cachemire. Alors ce sont les tiens.
Je les porte en écharpe quand tu reprends les vents du large. Ils sont fidèles à tout ce que tu es. Et ils sont plus encore. Qu’ils soient dessinés sur la page et racontent. Qu’ils soient là en réponse et me rassurent ou qu’ils restent au bord de ta bouche, emmêlés dans le silence, ce sont eux qui me font vivre. Je les promène au creux de moi, tresses de quelques syllabes comme quelques cailloux pour tracer ma route. Mais je les préfère du bord de tes lèvres ou quand tu les joues du bout des doigts.

Moi-même je voudrais en connaître davantage, savoir jongler un peu avec eux. Je rêve chaque jour de trouver le mot unique pour mieux me décrire et te raconter ce que j’éprouve. Je voudrais être la seule à savoir l’épeler. Mais cela n’aurait alors plus aucun sens pour toi.

La saveur des mots, leur rareté, c’est aussi leur mémoire. Qu’elle soit douloureuse ou cruelle, malhabile ou douce à l’oreille, la mélodie de la syllabe, chacun de nous la réinvente et c’est alors un mot nouveau.


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