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Sud - Ouest, France
Des mots-Des Images en tout sens

dimanche 2 novembre 2008

Rire ou vomir

Le jour se lève à peine ne tutoyant pas encore les persiennes.

5 Heures 35 - Envie de te murmurer mille mots


Sous les draps je me retourne en douceur. Je viens de rêver de toi et je poursuivrais bien avec cette humeur là quelques instants encore.
L’odeur de ta peau m'anime de milliers d‘images faîtes de banc de sable et de perles d’écume en chapelet, de raies de lumière au travers de feuilles dorées, d’horizons infinis enroulés en écharpes tissées de multiples arc-en-ciel poussées par les vents tièdes...
Au dehors la lumière filtre maintenant légère et mes pieds nus glissent sur le frais du carrelage. L’ouverture des volets rappelle le chat vers des désirs culinaires servis à domicile et les oiseaux peuvent commencer à se manifester en toute tranquillité. La rosée sous ses pattes crie l’appel à mille choses à faire.

9H30 - Des chariots sans bousculade


Au travers des allées, je m’engage l’esprit empli des derniers mots tissés sur le papier imaginaire de l’écran coloré de mon ordinateur. Ma dernière lecture a traversé des pages de reflets projetés sur des courbes de verres où des voiles se mêlaient aux mats quand tes mots tressaient d’autres images en échos.
J’oscille l’esprit tranquille entre le souvenir feutré de mon dernier rêve nocturne et quelques constats réservés sur l’aménagement propre et impersonnel de nos grandes surfaces.
C’est étonnant comme tout est fait pour nous laisser croire que chacun se trouve ici chez lui et peut se servir à son grès. Tout est en effet à portée de main et les allées aseptisées sont là pour nous faire rapidement oublier le dernier documentaire sur la misère diffusés hier, à l’heure où tout citoyen préfère être déjà couché, fatigué par sa journée de travail qui sera la même le lendemain s’il a la chance, doit il penser, d’en avoir une. Et si ce n’est le cas il est alors épuisé de trop chercher comment de nouveau pouvoir être salarié quand les informations quotidiennes lui annoncent chaque jour que l’emploi, tout comme la misère, nous laisse t’on croire, ne se trouve plus ici. Les entreprises ayant préféré investir au delà des frontières pouvant ainsi verser des salaires de misère à des peuples qui ne connaissent pas encore la possibilité de discuter le rythme du travail et les mesures sociales.
Tout ici est fait pour que le monde soit propre et le désir assouvi et si vous en manquez ,rassurez- vous, nous en avons pour vous. Il suffit de vous laisser guider par les pancartes fluorescentes vers les gondoles spéciales en bout d’allée.
Même le passage en caisse avant la sortie est validé par une carte plastifiée et inodore juste assez brillante pour vous donner de l’importance.
Toute personne qui pense régler sa facture par l’ouverture de cette pochette à soufflet qu’utilisaient nos grand-parents et où se rangeaient les vieux billets avec délicatesse éveille les regards suspects laissant présumer de comptes bancaires fermés. Toute monnaie exhibée ici étant vite synonyme de pauvreté assurée.

Au delà des étagères de produits, dans ces allées les gens sont calmes et la circulation fluide. Le visages des femmes paraît parfois encore un peu ensommeillé mais la bonne humeur se lit pourtant dans les sourires discrets. Il fait tiède au dehors et les bras sont libres. Les enfants ont été déposés à l’école ou chez la nourrice tôt le matin et ce n’est pas encore l’heure des repas pressés ou des devoirs faits trop tard.
Je rêve déjà moi-même à ma prochaine escapade au dehors dès le chariot vidé dans le coffre de ma voiture sur le parking et le retour à mon domicile afin de remplir les étagères de rangement pour une bonne semaine.

10 h 17- L’heure du renseignement

J’hume de nouveau l’air tiède quand le soleil joue avec la brume matinale. Mon coffre de voiture est fermé, le chariot rangé. Je m’apprête à grimper dans mon véhicule quand une voix se fait mielleuse et grave à mes côtés et me sort de mes aspirations à parcourir d’autres sentiers.
Vous savez où se trouve « Feu … » me demande la voix. Alors que j’aurais envie de jouer et d’indiquer ma librairie préférée devant laquelle je suis encore passée hier sans y entrer, je répond tout en me retournant. Je lève les yeux prête à sourire à tous aujourd’hui et à rendre service à toute personne égarée. J’avais oublié que la tiédeur du jour m’avait fait me vêtir avec légèreté ce que ce regard posé sur la courbe de mon mollet me rappelle rapidement. La question était un subterfuge douteux, l'enseigne en question se trouve dans mon dos et sur sa ligne d'horizon.
Ce regard, c’est comme si ses mains glissaient sur ma peau et remontaient jusqu’à des courbes que seul tu peux connaître. Ses mains sortiraient du tas de fumier encore fumant de la ferme qui héberge mon cheval qu'elles en seraient moins écoeurantes. Déjà mon œil ausculte et je peux décrire ses épaules flasques et tordues. Son corps est mous et son visage est jaune. Sous son costume de bonne qualité je vois son cœur plus visqueux que ses yeux et il éveille en moi une violence qui me rappelle mon impuissance face aux intrusions contre lesquelles je ne peux rien.
Il est des heures ainsi où il serait bon être née boxeur ou gosse des rues et savoir se servir de ses poings.
L’homme balbutie une autre ineptie quand je me glisse au volant, ferme la portière et démarre.
J’ai la nausée j’aurais voulu savoir vomir sur ses chaussures et dire quelques choses qui blesse autant que son regard dérange.
Je déteste continuer à ressentir cette intrusion. Je veux retourner dans mes rêves et que la journée recommence que la tiédeur du ciel de nouveau m’apaise. Je veux ressentir tes mains sur ma peau et l’odeur de ton corps. Je voudrais pouvoir gommer la dernière image.

10 H 45 - retour à l’ordinateur


Je me noie de nouveau dans les reflets où oscillent les voiles et les mats. Un peu de poésie et de douceur.
Cet imbécile sur le parking est bien pauvre sous son costume à mille euros et la vie me fait cadeau de milliers de belles choses qu’il ne connaîtra jamais et qui valent bien plus que l’épaisseur de ses cartes de crédit.

J’ouvrirai une page blanche où j’inventerai un autre monde.


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