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Sud - Ouest, France
Des mots-Des Images en tout sens

dimanche 12 avril 2009

Sur les Quais

La terre a tremblé cette semaine. C’était en Europe à notre porte ; là où les villes sont encore chargées d’histoire, celle qui se lit dans les pierres, les vraies, les belles, les taillées, les solides. Les maisons sont tombées parce que depuis dix ans les investisseurs sont rois et pensent d’abord à leur compte bancaire et non plus à protéger nos vies sous des immeubles qui seraient bien construits. Les constructeurs eux font vite et à tarif réduit. Notre société a inventé les soldes jusque dans les immeubles qui longent cette vallée à fort risque sismique. Les murs sont faits de torchis et de poussière et les châteaux de carte se sont effondrés. Trois cents morts, comme si il était possible de les compter ; là aussi ce sont des statistiques, en 2009 les statistiques sont la feuille de route de notre quotidien !

Eux avaient trouver une petite maison de l’autre côté de la baie, là où les vents se mêlent et les couchants sont orangés à l’infini. Là où les horizons sont d’une blancheur extrême, là où la crête des vagues se fend d’un gris bleu qui scintille comme des étoiles d’argent. Ce pourrait être l’île de Chausey ou une autre le long de la côte. Entourée de pierres noires, les petits îlots de récifs la rendent difficile d’accès même aux voiliers. Il faut connaître la côte pour ne pas fendre la cale des bateaux. La route précise pour y accéder ne vous sera pas donnée, ils veulent garder le secret de l’endroit où ils se retrouvent et se reposent. Leurs amis, leurs relations professionnelles ne les rencontrent que sur le continent, de l’autre côté. Là c’est un endroit rien que pour eux. Chacun y a déposé ses secrets. Lui dans les sculptures faîtes dans la ferraille le bois le sable tout ce qu’il récupère au cours de leurs promenades faîtes avant l'aube parfois ou au moment où la nuit rejoint le jour : morceaux de vélo de mobylette bouts de tracteur tuyaux de métal. Il peint aussi. Eux deux écrivent et déchirent collent des bouts de papier. Ancienne publicités, photos dans les revues récupérées elles-aussi sont transformées au grès de leurs humeurs quand l‘autre est au loin.
Ils se retrouve là dès qu’il n’a pas d’engagement au dehors. Lui, est souvent parti sur des missions aux quatre coins des mers. Là où se heurte la misère. Il porte secours aux enfants et aux adolescents blessés par les traumatismes et les cauchemars que la vie inflige parfois. Elle, a un bureau où elle écoute la parole elle aide à remettre des mots sur les histoires les souffrances et les non-dits qui abîment et creusent des blessures qui brûlent au dedans.
Elle peut rentrer chaque week-end et chaque fois que le bureau n’a pas besoin de son oreille. Elle l’attend souvent ne sachant pas toujours quand il sera de retour. C’est douloureux pour elle parfois elle a besoin de lui mais elle ne lui en veut pas c’est ainsi. Bien sûr elle déteste que la vie l’empêche de se détendre et de la retrouver. A ses côtés il se repose et peut griffonner coller construire à son grès au rythme de l’océan qui bat les rochers au pied de la maison et berce leur rythme de promenade. Mais elle sait aussi combien aider autour de lui fait parti de lui. Elle le sait depuis toujours. Elle râle bien un peu parfois quand elle se sent oubliée mais c’est une sensation du fond du ventre qui ne se contrôle pas. Elle sait bien qu’il est tout près pas très loin d’elle. Quand il peut la joindre il a toujours un mot doux une tendresse une attention et si parfois les choses sont difficiles pour elle il a le mot le geste qui l’apaise. C’est ainsi entre eux depuis toujours.
Ils sont le plus souvent seuls, la plupart des habitants alentour ne viennent que le temps d’un été. Seuls quelques autochtones prennent avec elle le seul bateau qui fait la navette le vendredi soir. Ils chargent alors le bateau avec quelques sacs de farine des aliments complémentaires pour les chevaux et les autres animaux et les courses que chacun s’est fait livrer sur les quais. Presque tous repartent en début de semaine suivante.

Elle l’a attendu ce soir sans grand espoir ayant entendu l’annonce de la catastrophe des montagnes de l’autre côté de la frontière sur les ondes de la radio. Il avait bien dit qu’il devrait-être là. Les trains avaient cette fois de bonnes correspondances avec les horaires du bateau. Elle s’était bien emmitouflée et posée dans le café juste au bord de la jetée. Ils se retrouvent là chaque fois sur la banquette qui leur est comme réservée dans le fond de la salle près de la fenêtre le feu réchauffant un peu les genoux de ses braises incandescentes. L’odeur du bois est douce elle laisse un goût de miel sur le palais. Le craquement des bûches répond au ressac des vagues sur les rochers au dehors à marée haute. Une des fenêtres reste toujours entrebâillée comme pour garder la mesure des chocs creux sur les pierre noires.

Elle savait bien que l’attente était inutile mais elle aimait bien cet endroit sans lui aussi. Elle peut penser à lui. Elle laisse son regard se poser d'un visage à l'autre et se laisse bercer un peu par leur voix dans ce café. Ce sont des habitués les tonalités sont chaudes et leur regard sur elle est chaleureux et reste discret. Comme elle, ils attendent la dernière navette. Elle vagabonde secrètement et retrouve sur sa peau un peu le goût de ses dernières caresses. La dernière fois au téléphone, sa voix était douce et rassurante il était pressé mais elle y est habituée il prenait tout de même un peu de temps avec elle alors que d’autres l’attendaient. Elle voulait lui dire que le réparateur de piano était revenu. C’était beau comment il avait travailler glissant un ruban rouge entre les cordes avant de les équilibrer. Elle avait imaginer combien il aurait aimé prendre une photo. Elle même n'a pas osé. L'accordeur avait oublié la dernière corde et devrait revenir. Du coup quand lui serait là le piano pourrait de nouveau sortir les notes justes sous ses doigts. Elle aimait l’écouter toucher les notes d’ivoire. Elle le regarde et se laisse porter. Elle glisse parfois contre son dos il aime ça. Ils ont plein de gestes silencieux ils sont bien comme ça l’un contre l’autre l’un avec l’autre. Elle a envie de poser sa joue contre son torse. Il ne faut pas oublier la navette. Elle donnera la nourriture aux chevaux. Elle l'a promis au voisin. Il est parti pour quelques semaines.

Elle est allée marcher. Elle aime marcher avec lui. Il lui raconte les arbres et les pierres, les nids des animaux aussi. Il parle si bien des habitants. Il montre les lumières, le déclencheur parfois à la main. Elle aime regarder à travers ses yeux à lui. Elle aime leurs silences aussi. Elle a retrouver le sentier où il l'a emmenée la première nuit de leur rencontre. C'était à cette saison, c'était il y a longtemps. C'est doux de se souvenir. Elle y retourne parfois quand il n’est pas là. Elle aime bien le ressac des vagues à cet endroit et aux Printemps les fleurs des arbres ont une odeur de sucre.

Il rentrera bientôt peut-être avec la navette de la semaine prochaine. C’est bien il fera plus chaud. Le soir le vent sera tiède. Sans lui elle a toujours froid. Il rit parfois de ses mains fraîches qu'elle glisse doucement sous sa chemise dans le creux de son dos. Il doit être fatigué. Il dit qu’elle s’inquiète toujours un peu trop pour lui « pas un oiseau tombé du nid » mais il prend soin d’elle, des autres. Qui prend soin de lui ? Elle prend soin de lui.

La nuit tombe elle va fermer les volets. Elle aime à cette heure poser un regard long et silencieux sur le ciel avoir une pensée pour lui. La baie en face est toute illuminée. Elle pense à lui toujours mais là quand elle ferme les volets elle sait qu’il aimerait être avec elle entendre les vagues qui disent tant de mots dans le ventre et au creux doux des oreilles.

Il lui a écrit plein de mots avant de partir. Elle les a trouvés sous la porte en entrant. Elle rajoutera une couverture sur le lit et va se glisser sous les draps pour le lire. Elle sera un peu avec lui. Elle a du mal à s'endormir quand il est loin.

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