A peine arrivée,
elle tournait vers moi un visage lisse comme la glace de l'étang au lever du
jour, en hiver et souriait en agitant ses boucles brunes. Son langage était
plein de certitude et son vocabulaire était celui du dictionnaire, réfléchi et
pesé. Seules ses mains couraient sans cesse des doigts de sa mère aux mailles
du pull qu'elle venait d'enfiler.
Elle présentait
ce masque sourire, mélange de séduction et d'arrogance alors que le fond de son
regard véhiculait des images flétries, jaunies, comme si elle était habitée de
mille histoires de guerre.
Je découvrais au bout de mes yeux le dos du monde et
ses reflets, derrière un petit bout de femme qui voulait se présenter sereine
et parfaite. Elle paraissait bien amère au coin des lèvres quand son visage
tentait de laisser croire à son indifférence.
Son visage prit
soudain la couleur du sable sur la plage quand la mer redescend et que l'eau
s'écoule doucement au travers des ridules qui se dessinent. Les larmes sont
apparues au bord de son regard et ont longtemps recouvert son visage. Elle
avait enfin dans les yeux des images d'enfant et les mots dans sa bouche ont pu
exprimer des peines immenses et d'un autre âge.
Il était difficile à soutenir, ce
regard là. Il était douloureux de se taire et d'écouter cette douleur qui
venait de si loin. Une telle déchirure traversait l'air que cela aurait pu,
tout aussi bien, être la détresse d'une guerre.
Elle est
repartie vers des images de balançoire et de jeux de marelle avec enfin
le regard de ses 7 ans.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire