Elle s’est hissée le long du quai afin de calmer le pincement qui, depuis la veille, tel un nœud marin, se tord au creux du ventre et court maintenant sur sa peau.
Tu aurais dû rentrer hier par le dernier bateau mais les vols venant du sud avaient été annulés. Elle l’avait appris au réveil. Tu as été appelé pour couvrir le tremblement de terre et les bouleversements économiques et politiques qui y sont associés. L’organisation des secours même fait polémique.
Les blessés, mais aussi les sans-abris se comptent par milliers. Et maintenant des émeutes naissent dans les ruines bloquant les abords de l’aéroport.
Pourquoi reproche-t-on aux êtres qui n’ont plus rien de se servir dans les ruines du centre commercial. Ce n’est pas tout à fait comme de voler dans les pierres des maisons. Les denrées sont de toute façon perdues puisque périssables alors qu’ils n’ont plus rien mais chacun se sent à la fois concerné par leur détresse tout en criant au scandale.
Elle, a vraiment un peu de mal à comprendre. Le monde tourne parfois d’une bien étrange façon ! Elle se demande souvent comment tu arrives à prendre et garder du recul face aux sujets pour lesquels le journal t’envoie.
Tu ne peux pas la joindre, la rassurer, lui parler.
Elle cherche dans les voiles qui se couchent après un long séjour au large, un apaisement à ses inquiétudes comme à chacune de tes absences quand celles-ci se prolongent.
Le clapotis des vagues caresse les pontons avec une douceur mêlée de témérité. Elle aime entendre les marins se raconter leur sortie en mer d’un pont à l’autre une dernière fois avant la nuit.
Où es-tu ?
Cette petite phrase se perd seule sur l’océan dans le lointain.
Où es-tu ? Toi qui sais décrire la soie fine dans l’ourlet de son cou allant de l’oreille à la courbe de son épaule.
Elle vient de passer chez Tania. Sa meilleure amie ne donnait plus de nouvelles depuis quelques mois ce qui ne lui ressemblait pas. Elle avait décidé d’aller la voir afin de comprendre ce qui lui arrivait. Elle venait de la découvrir amaigrie, le regard triste tournant dans un appartement qui donnait l’impression d’une loge monacale. Ses toiles si vives n’étaient plus accrochées sur les murs. Tania après une chute de cheval grave s’était mise à la peinture. L’odeur si particulière et si sensuelle de la peinture à l’huile n’exhalait plus dans l’appartement.
Surprise elle resta longtemps sans voix face à Tania seule dans son logement et le regard si terne. Au téléphone chaque fois elle avait répondu enjouée qu’elle n’était pas disponible qu’elle partait avec son compagnon visiter la Crête une fois, le Mont Saint-Michel une autre le Nord de la France une fois encore. Elle avait cru que Tania avait trouvé dans sa nouvelle vie de couple suffisamment de joie pour n’avoir plus besoin de sa compagnie.
Elle avait été blessée un peu en secret. Tania était sa meilleure amie depuis l’enfance. Elles riaient souvent de leur complicité quand elles arpentaient le village pour faire des blagues aux villageois qui n’étaient sans doute pas dupes mais elles y croyaient et c’était ça qui comptait, qui rendait les choses excitantes et secrètes.
Elles partaient souvent toutes les deux faire des randonnées en vélo ou à cheval emportant un pique-nique et disparaissant pour la journée.
Elle enviait un peu Tania et l’admirait aussi. Elle était belle et sans fards. Elle aussi avait des yeux verts mais Tania, les siens étaient plus beaux. Ses yeux étaient plus verts, vert comme l’océan aux abords des côtes d’Arcachon là-bas où l’école les avait emmenées enfants, pour le voyage de fin de primaire. Et puis les minauderies n’étaient pas pour elle contrairement aux autres filles de la classe. Elle était brillante aussi. Elle avait toujours les meilleurs résultats même si elle-même était souvent juste derrière ou à parts égales. Rarement elle avait réussi à lui passer devant. Et puis Tania était toujours calme avec les autres tandis qu’elle cherchait parfois le conflit avec l’autorité manifestant de l’insolence en tous cas c’est ce que disaient les adultes ! Mais Tania ne lui en tenait jamais rigueur. Elles savaient toutes les deux que leur amitié était pour toujours. Elles pourraient compter l’une sur l’autre même si jamais cela n’avait été dit. Pas besoin. Il y a des choses que l’on sait même quand on a dix ans.
A l’adolescence, à Pâques, une année elles étaient parties camper à plusieurs faisant des kilomètres à bicyclette avant d’atteindre l’océan aux teintes argentées. Cela avait été le meilleur moment. Tout d’abord parce que pour la première fois les parents avaient donné leur accord quand chacune était persuadée que ce serait impossible. Les siens surtout, l’avaient étonnée. Merci Tania ! Elle était une garantie pour ses parents. Allez savoir pourquoi ? C’était bien, dans leur vie secrète, elles ne parlaient jamais de leurs parents qui étaient amis. Les amitiés des adultes sont trop bizarres. Rien à voir avec la leur !
Alors Tania dans cet appartement sans vie sans charme froid comme une pierre recouverte par la neige, ce n’était pas elle.
Tania avait mis quelque temps avant de parler enfin. Elle avait pu lui dire la réalité de ce qu’elle vivait dans quel enfer seule elle s’était aventurée et enlisée.
Elle avait raconté comment il lui imposait sa main dans la sienne, combien c’était un rôle prévu à exposer au monde. Donner en public une image toujours quand à la maison l’intimité était tout autre. Il l’envahissait dans chacun de ses gestes. Imposait l’heure du réveil, la texture du repas, fait de privation et de rituels multiples. Il l’humiliait sans cesse puis la réveillait la nuit en lui imposant son corps brutalement sans un regard pour elle.
Elle ne pouvait plus peindre. Il restait toujours derrière elle à commenter, corriger ! Il avait même écrasé les tubes sur la toile la dernière fois en marchant dessus. Tania peignait la toile sur le sol dans son atelier. C’est ainsi qu’elle avait cessé de peindre.
Elle sentait combien Tania retenait encore des choses inavouables. Mais elle avait réussi à lui demandé son aide comme avant et elle avait pu ainsi l'adresser à un professionnel afin qu’elle se libère enfin.
Assise sur cette rive, maintenant seule, elle a le cœur un peu lourd. Elle s’en veut un peu, de n’avoir pas su deviner son amie. Elle aurait tellement souhaité oublier ces jours où elle n’avait pas su la protéger, tous ces jours où elle avait cru ce qui lui était donné à voir.
Est-ce parce que tu es loin et qu’elle est sans nouvelle de toi. Elle se sent un peu seule même si elle vient de retrouver son amie. Sa tête est lourde de tous ces secrets qui n’ont rien à voir avec les secrets de l’enfance. Elle regarde un peu les estivants qui déambulent le long du quai s’asseyant aux terrasses pour le dîner. Parfois ils sont deux, parfois c’est en groupe qu’ils s’aventurent au dehors.
En d’autres temps elle les aurait trouvés charmants et joueurs avec ce teint halé qui leur va bien. Habillés souvent très courts comme pour vanter les effets du soleil sous leur short au ras des fesses et le ventre toujours à l’air. Mais là, elle se sent de mauvaise humeur et voit tout ce qui ne va pas.
C’est comme si elle cherchait l’erreur chaque fois qu’elle pose le regard sur l’un d’eux elle lit l’ennui, la froideur, l’amertume. C’en est trop, cela doit bien venir un peu d’elle, de ce qu’elle a au fond du cœur.
Dans la brume au-delà de la digue, les marins sur les voiliers en direction du port, doucement affalent la grand voile tandis qu’au bord du quai, du reflet rose de l’eau sur les coques,personne ne parle. Et ces mats, au repos qui stridulent tels des grillons un soir de pleine lune, aucun ne les entend.
Où es-tu ?
Tu es là sur sa peau. Tu regardes avec elle les couleurs qui se mêlent sur cet horizon tiède. Elle sent ton souffle sur sa nuque et ta main qui se glisse là doucement.
Où es-tu ?
Décidément elle a le regard amer même les vagues sont chagrines quand les serveurs s’agitent.
Où es-tu ? Regardes-tu le ciel pour te rapprocher d’elle ?
Sous l’encre de tes doigts sur sa peau,
Sur le sable blanc d’une feuille de papier,
Dans les images que tu colles,
Dans la musique de ta bouche
Tu réinventes mille mots
Qui disent tes sentiments pour elle.
Où es-tu ?
Un groupe bruyant vient de s’installer.
En bordure du quai, les voiles se roulent une à une et les marins avancent sur les pontons au rythme de la marée, indifférents à l’agitation sur les terrasses.
Elle les découvre mieux, un à un, deux à deux. S’ils s’imposent ainsi c’est bien pour s’offrir aux regards extérieurs.
Deux d’entre eux, à eux seuls, font le rythme de la table. Mieux qu’un reality show ! Ils se touchent comme la glaise entre les doigts du potier. Les gestes sont brutaux, les mots sont crus. L’un provoque l’autre prenant le groupe à témoin. Chacun rit fort et commente. L’autre alors palpe plus fort y mêlant des sons et des mots plus vulgaires et violents encore.
Où es-tu ?
Toi dont les mots caressent les lumières et les vents.
Ils sont vraiment envahissants, imposants.
Où es-tu ? Toi dont les murmures ne sont qu’attention et douceurs. Toi dont le regard l’effleure toujours comme on caresse les pétales d’une rose.
Où es-tu ?
Les nœuds du tissu minimal qui enveloppe la poitrine imposante de la femme bruyante se sont défaits. Elle crie quand il la touche mais rit fort et se lève provocante vers l’homme assis à deux places de l’autre côté de la table. Elle se penche vers lui langoureuse lui offrant sa poitrine massive se tourne enfin pour qu’il refasse les liens quand d’un regard insolent elle attise encore l’homme à l’origine du forfait. Elle rit fort toujours puis bouge son corps autour de la table pour se rassoir sans oublier un regard sur la terrasse afin de mesurer l’effet produit cherchant à être touchée encore par tous les regards et par toutes les mains alentour cherchant comment éveiller le désir.
Elle crie son corps vide à l’adresse du monde. Elle a même un bleu au visage sous son maquillage. Une porte de placard dit-elle sans doute !
Trop de détresse ici.
Où es-tu ?
La lumière au travers des stores fait luire ton corps encore frais de la caresse de l’eau. Tes jambes fuselées se déplacent avec aisance.
Elle se réfugie sur l’horizon qui prend des teintes mauves vertes et orangées mêlées. Elle tente d’oublier Tania, d’oublier ce groupe et les autres. Elle écoute le vent qui s’élève doucement maintenant que la marée remonte.
Où es-tu ?
A tes côtés elle ne connaît jamais l’ennui. L’ennui c’est ceux là qui se mentent.
Loin d’elle tu es toujours un peu là, gardé un peu comme on garde un secret au creux du cœur.
L’ennui c’est pour les vents contraires, les dîners sans saveurs. L’ennui ce sont les lignes coupées et les silences qui se prolongent par trop de cris et de brutalité en ce monde.
Le vent se lève. La mer s’ébroue un peu et l’effluve des algues monte jusqu’au quai, monte jusqu’à elle.
Elle sent une main sur sa nuque, ta main douce, suivie d’un baiser.
Ce matin, tu as été appelé en urgence pour un reportage dans le sud. Je n’ai pas très bien compris où. Tu es parti tôt et si vite aussi. Après ton départ, je me suis assoupie et j’ai rêvé de la dune.
Photos - VD - Avril 2010
C’était la tienne. Celle qui m’impressionne encore. Dans mon sommeil, j’ai vu les trois fées de la plage. Elles étaient belles, vêtues d’un voile rose et vert aussi fin que la vague quand elle s’étale sur le sable avant de se retirer. Les reflets liés à la lumière de la lune étaient dorés. Elles mélangeaient des herbes à l’odeur sucrée d’essences de cèdre et de pin dans un saut de fer blanc aux anses faîtes de cordages. Elles saupoudraient le tout de sel et de sable mêlés récolté au fond de l’océan. Elles ont chanté des mots dans une langue aux sonorités rauques et profondes et faisaient des incantations, en remuant à l’aide des deux bras, des morceaux de bois trouvés non loin, sur la lande de sable. Je crois qu’elles m’ont parlé un peu de toi aussi. Elles m’ont murmuré des mots qui racontaient le passage du sable du Banc d’Arguin vers le sommet de la dune. Elles se servaient des étoiles pour le porter quand leur dos était fatigué. Elles choisissaient l’heure des solstices pour leurs déplacements les plus grands. Parfois, elles s’aidaient aussi des tempêtes. Leurs pieds avaient des formes un peu particulières, ressemblant à des poissons fins. Elles disaient que c’était plus facile ainsi, pour marcher longtemps. Elles ont dansé enfin sur le sable tiède à la lumière de la nuit.
Photos - VD - Avril 2010
A mon réveil, je me suis dirigée vers la plage au bord de l’océan, peut-être pour prolonger mon rêve.
La ville était à peine sortie du sommeil. Je voulais être seule, au sommet de la falaise de sable, au bord de la forêt. J’ai regardé au loin comme si je pouvais encore accompagner ton voyage. J’ai laissé vagabonder mon regard sur l’horizon en pensant à tes bras et en faisant ainsi avec toi les mille pas qui te séparaient de nouveau de moi.
Une tourterelle s’était perdue là, sous les tables de bois, à picorer quelques restes de pique-nique. Elle s’est envolée avec nonchalance juste devant moi. Les marcheurs étaient nombreux en fin de semaine et ne reviendraient plus, maintenant, avant les chaleurs de l’été.
Je me suis avancée plus près. J’ai descendue la dune aux courbes légères parsemées de quelques morceaux de bois tendre et de quelques oyats frais d’un vert encore jeune dansant dans le vent. Tu sais celle où tu m’as emmenée au printemps dernier. Nous avions joué et tellement ri, tu t’en souviens ? Le chant des vagues s’imposait en frappant le bord de la dune noircie par les restes de la végétation laissés là par les vents d’hiver.
J’ai longtemps marché le long du rivage et j’ai découvert un saut de fer blanc ressemblant aux lessiveuses qu’utilisaient nos arrières grand-mères. Quelques morceaux de vieux bois reposaient au bord des anses faites de cordage. Je me suis alors souvenu de mon rêve. J’ai aussi retrouvé des traces de pas à l’empreinte encore fraîche inscrite sur le sable. Je me suis dit que ce n’était pas un rêve tout à fait ordinaire.
Photos - VD- Avril 2010
Je suis devenue grain de sable rose sous le ciel tiède malgré le vent du nord. J’étais, je suis la vague dorée qui s’enroule autour de mes chevilles. Mes pieds nus s’enfoncent dans le sable humide à fleur d’eau dans le frais de l’océan ni bleu ni vert tournant vers le doré parfois. Je suis ce vent qui transporte des effluves de pins mêlées à l’odeur de voyage lointain. Je suis l’ourlet de coton blanc qui se dresse là où on ne l’attend pas !
J’ai cherché le meilleur angle en tentant de saisir pour toi des images nouvelles que tu trouverais à ton retour.
Je suis aussi fragile que le ciel au loin quand la marée monte doucement et encercle avec douceur le Banc d’Arguin que tu aimes tant. Je suis un peu perdue aussi, assise là, sans toi, au milieu de cet infini empli de beauté.
Alors j’ai fini par rentrer avant la chaleur de la mi-journée. Mais toi au loin, je ne tiens pas en place.
Je suis repartie dans la direction opposée comme s’il fallait m’éloigner du silence de la maison. Cet endroit qui me rappelle tant tes mots, ton odeur et la puissance de mon amour pour toi. Je suis allée vers le port. Celui que les touristes n’ont pas encore foulé sous leurs pieds. Je me suis assise sur ce banc de bois usé par les vents d’hiver. Les vents de terre ceux que j’appelle souvent les vents contraires. J’ai regardé au loin sur le bassin, le dos appuyé sur le flanc de la cabane de bois noir. Je ne puis m’éloigner totalement de toi. J’ai besoin de ta présence. J’ai entendu tes mots et la chaude tonalité de ta voix. J’ai ressenti la douceur de ta peau quand elle évoque la couleur du sable caressée par la lumière au travers des persiennes. J’ai eu envie de ta bouche et de connaître encore l’écriture de tes doigts sur ma peau tiédie. Mais tu es loin et pour quelque temps sans doute. Il va falloir que je ressorte le plaid pour me couvrir. Les nuits sont encore fraiches.
Photos - VD - Avril 2010
Je suis allée voir Pedro. Il ne me connait pas. C’est avec lui que tu es allé pêcher la saison dernière. Je ne lui ai pas dit qui j’étais. Je sais que tu préfères garder notre relation secrète. Est-ce pour la protéger des regards malveillants ? Pedro n’a pas l’air malveillant. Je t’aime et je n’ai pas vraiment besoin de parler de nous. Alors je me suis tu !
Il a pris un peu de ventre Pedro cet hiver et son teint est encore pâle. Mais il a fini sa cabane et elle a pris de belles teintes rouges. C’est beau ainsi au milieu de toutes les autres qui sont noires ou grises. J’ai eu envie de m’asseoir. Il a décoré sa terrasse de fûts de chêne et de cordages tressés. La lumière est belle aujourd’hui et se pose avec délicatesse sur les objets.
Je me suis assise à la table faites pour cinq, sous le pin parasol, espérant que le soleil resterait le temps de mon déjeuner.
Pedro était gentil. Il n’a pas souhaité que je me déplace. Pourtant des touristes avaient prévenu de leur arrivée prochaine. J’avais l’impression qu’il me connaissait un peu. A-t’il retrouvé quelque chose de toi dans mon regard ? Les huitres étaient délicieuses. Je suis restée longtemps à rêver, regardant l’eau monter de nouveau et les pêcheurs rentrer doucement du bassin.
Il s'est excusé de ne pouvoir me proposer qu'un café à la crème de marron. Julia, sa femme, est allée en ville pour y trouver du café pur mais c'était à l'automne. Elle n'est jamais revenue ! Il a dit ça avec cette légèreté dans la voix comme si cette histoire n'était pas la sienne mais son regard était blême.
L’agitation des premiers arrivants m’a fait fuir brutalement. Je suis allée regarder les barques rentrer dans la passe. J’ai pris de nouveaux clichés. Cette fois je pensais à rentrer. J’ai salué de nouveau Pedro. Mais l’envie de retrouver la maison vide ne faisait pas tout à fait partie de mes humeurs.
J’avais besoin de cesser de m’inquiéter pour toi. J’ai fait un détour par la ferme de Liza. J’avais envie de galoper loin dans la forêt et je lui ai proposé de faire le tour avec moi.
Nos chevaux s’entendent bien. Ils étaient joueurs et rapides. Nous les avons poussés à la limite du possible entre la peur et le plaisir de se dépasser. Ils étaient contents et tout excités par les premières odeurs de printemps. Des lapins ou quelques serpents se faufilaient dans les buissons. Le mien a fait un ou deux écarts mais nous avons bien assurées. C’était doux de sentir le vent tiède et de voir les variations des couleurs et des odeurs au-delà de la terre sèche. Nous n’étions jamais allées aussi vite ni aussi loin. Les chevaux sont rentrés l’encolure couverte d’écume. Après avoir douché le mien et vérifié ses pieds en entretenant ses sabots, j’ai aidé Liza à attraper les autres restés au pré et à les nourrir.
Je suis enfin rentrée apaisée et heureuse de pouvoir écouter un peu de Sonny Rollins dans la solitude de la maison.
J’ai pris un livre avant de me glisser sous les draps de notre lit. J’ai dû rêver de toi et de ton retour.